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LA PROMENADE A SUNGU
Extraits du journal personnel du Commandant de l’Aviation August Servais
Mise en page par Eric Van Heuverswyn
Laissons la parole à Marc Carlier.
« …nous reçûmes l’autorisation et la récompense de pouvoir s’éclipser dans la nature avec notre peloton pendant deux jours.
Cette marche forcée s’effectua jusqu ‘à Sungu, situé à ±25 Km de la base. Ce fut pour Claude et moi-même un formidable souvenir, ’accueil de village était impressionnant, les femmes criaient, les sages venaient à notre rencontre, les enfants couraient à nos côtés, des poignées de main s’échangeaient avec les « Waf, Waf, Wafwaco » de bienvenue ; c’était, d’après leurs dites, le retour des Blancs au Congo, ce que les indigènes souhaitaient très certainement.
Pour nous, c’étais deux jeunes sergents accompagnés de leur trente soldats, serrant la main de braves villageois, découvrant pour la première fois le village africain.
Oh, pourquoi, Belgique, avoir cédé si vite aux cris de l’indépendance !
Marc Carlier et Claude Leemans en ballade à Sungu
Je me suis rappelé les belles paroles adressées en 1959, dans la salle de gymnastique de l’Institut agronomique d’Ath, par un fonctionnaire du ministère des Colonies aux étudiants réunis pour l’occasion : ‘Messieurs, vous n’êtes pas sans savoir que notre Congo Belge bouge mais au Ministère un plan de vingt ans est élaboré, qui octroierait l’indépendance en 1980. Alors de votre séjour à la Colonie, à l’issue de vos études, vous devez être en plus de votre activité professionnelle, d’excellents pédagogues chargés de former les futurs cadres, chefs de plantation de 1980’.
Qu’en fut-il de ces paroles ?
Et pourtant, quel accueil chaleureux à Sungu ! Quelle fierté, quelle joie ! J’avais fait un bond de cinq ans en arrière, sur les bancs des
classes agronomiques, rêvant de la colonie Belge.
Sur le terrain de football de Sungu, chaque soldat en possession d’une demi toile d tente kaki, avait avec un autre construit leur tente.
Le bivouac terminé, les adjudants Carlier, Leemans et Maloba Jean Nestor ont bien entendu été invités à boire le « pombe » dans la case du chef.
Que c’était pénible à boire, le verre pas très propre, le goût pas trop certain, mais le capitaine avait dit avant le départ de ne rien refuser. Alors, il fallait…déguster les verres de pombe.
Palabres, mots de bienvenue, d’espoir, et à la tombée de la nuit, une partie de chasse fut même mise sur pied en notre honneur. C’est
alors que mon ami Claude choisit de tomber dans une crise de malaria.
Je partis donc seul à la chasse accompagnée des chasseurs du village. Pendant cette longue promenade nocturne, je n’ai rien vu, aucun gibier, si ce n’est au retour vers le village, un grand oiseau s’envoler dans l’alignement du chemin. J’épaulai et pressai la détente, l’oiseau, à mon grand étonnement, s’abattit touché en pleine tête. Du coup, j’étais aux yeux des villageois un très grand chasseur et reçus un nouvel accueil au village.
Le lendemain accompagné de notre peloton, nous avons repris le chemin de BaKa, pour Claude, ce fut pénible.
Rentrés à la base, nous étions fiers d’être les premiers à s’être éloignés dans la nature, les autres pelotons manifestaient leur envie mais les évènements se sont accélérés.
LE TRAIN DES MUTINS
Baptême de feu ou opération spectaculaire ?
Comme la plus part des Africains, les miens redoutent « Maï Mulele » surtout quand ils manquent des cibles pourtant faciles. Marc Carlier leur a donné une leçon en tirant dans un nid de frelons. On devine la suite mais « ils « ont une contre argument : les « dawa » ne touchent pas les Blancs.
L’occasion de leur rendre confiance me tombe du ciel ou plutôt du peloton de police Militaire de al 5ième Brigade mécanisée.
Des mutins, plus exactement des fuyards de la région de Kongolo avaient réquisitionné un train et se dirigeaient vers Kamina.
Questions à 100 Fr. : Kamina Ville ou Kamina Base ?
Dans l’un ou l’outre cas, leur arrivée devait créer des ennuis. On ne pouvait compter sur la compagnie de Gendarmerie de l’ANC à Kamina Ville. Ces héros eussent pu se joindre aux mutins.
A la base, on pouvait redouter des troubles entre ces fuyards et les Katangais de la 5ième Brigade.
Il fallait donc arrêter le train avant son arrivée à destination et la PM demandait l’aide de l’U Def. On dispose un obstacle sur la voie, les quatre pelotons disparaissent en brousse pour, au coup de sifflet, encercler le train. Les PM restent sur le quai (nous avons choisi une ancienne gare pour les facilités offertes par le quai.)
Je laisse le début des opérations à l’adjudant PM jusqu’au moment où il s’exclame « ils sont armés ! » J’interviens. Un coup de sifflet.
Les quatre pelotons surgissent baïonnette au canon.
Les fuyards se voient coincés et descendent du train mais en conservant leurs armes. Tous risque de basculer en quelques secondes.
J’aboie des ordres :
- Rassemblement !
- Garde à vous !
- A droite alignement !
Force de l’habitude ? Ou spectacle des armes pointées sur eux ? Ils obéissent.
- Désarmez-les !
- Ils se laissent faire. J’espérais récupérer quelques armes dont des FAL mais les MP les embarquent dans leur camionnette.
J’arrive pourtant à sauver une mitraillette Uzzi. Petite, compacte, légère et précise, elle me servira pour les patrouilles à pied
dans la brousse épaisse, là où un FAL se montre aussi utile qu’une rage de dents pendant une nuit de noces.
Les U Def gardent les mutins lors de leur arrivé en gare, ou il sont directement désarmés
Des camions emmenèrent sous escorte MP les fuyards vers un camp de prisonniers quelque part à la base et notre entraînement reprit.
Cette opération de police ne mérite pas le titre d’exploit. Je l’ai pourtant appréciée à sa juste valeur ; elle avait démontré la discipline
de mes soldats ; elle leur avait donné confiance en eux et en leurs Belges ; sans le vouloir, peut-être, la 5ième Brigade avait reconnu la
valeur de la 1ière U Def.
© Eric Van Heuverswyn
A Suivre....